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01/03/2008

Vulgarité présidentielle.

Lorsque nous étions en Andalousie, l’actualité française nous était fort lointaine et nous n’en parlions guère, il faut bien le reconnaître. Mais la presse espagnole n’a pas loupé l’occasion d’évoquer la réplique de Nicolas Sarkozy à un visiteur d’ailleurs fort malpoli et aussi peu tolérant que le propos du président était inapproprié… Triste époque où la politique semble se limiter à un jeu de communications « pipole » et de petits mots teintés d’une vulgarité qui n’a rien à voir avec la polémique assassine d’un Victor Hugo, d’un Henri Rochefort ou d’un Léon Daudet… Et quelle piètre image de notre pays donne cette République mondaine de parvenus qui ne maîtrisent ni leur langage ni leurs nerfs, se contentant parfois de la morgue que l’on reprochait jadis aux aristocrates de l’Ancien Régime.

 

Ainsi, la réplique vulgaire (même si la colère pouvait être légitime au regard de la brève algarade) a remplacé l’esprit français et ce sens de l’Etat qui obligeait son dépositaire suprême à une certaine hauteur. Cela peut sembler un détail, et c’en est un, mais ô combien révélateur ! Je regardais hier soir le film « le grand Charles » qui évoque le général de Gaulle et, plus particulièrement, son parcours politique entre 1940 et 1958 : les mots durs, voire cruels et injustes, qu’il pouvait avoir à l’égard de ses adversaires comme de ses amis politiques peuvent choquer mais il y mettait cette « patte » politique qui vise à préserver « l’essentiel vital » du pays, son Etat, sa liberté et sa grandeur, et il ne se perdait pas dans les jeux de paillettes et dans ceux des basses insultes. Alain Peyrefitte racontait que, lors de la campagne présidentielle de 1965, de Gaulle avait refusé de dénigrer publiquement son adversaire Mitterrand sur les anciennes « amours vichystes » de celui-ci, et que le général argumentait cette retenue par le simple fait que Mitterrand pouvait, à un moment ou à un autre, incarner l’Etat qu’il dénigrait encore quelques temps avant sa propre élection présidentielle… Préserver la fonction, la magistrature suprême de l’Etat, voilà la doctrine gaullienne qui rappelle la conception capétienne de l’Etat et cette devise qui fut celle des rois de France (et qu’il serait bon de rappeler à l’actuel locataire de l’Elysée) : « Savoir raison garder ».

 

Au même moment, à Séville, des camelots vendaient des porte-clés et des badges reprenant la réplique cinglante du roi Juan Carlos à l’agression verbale du président Hugo Chavez, une réplique qui, si elle était fort simple dans son expression, a uni les Espagnols de toutes les tendances autour de leur monarque, symbole suprême de l’Espagne et défenseur de son unité « malgré tout ». Unir, au nom de l’Etat, et non diviser, voici le programme de tout chef de l’Etat qui respecte la fonction dont il est, pour un temps mais devant l’éternité, le dépositaire. Savoir parler haut et fort, quand l’Etat est agressé, et non s’énerver quand son représentant est personnellement outragé : défendre la fonction et l’Etat impose la fermeté, pas la vulgarité et la facilité d’un échange verbal. Quand le roi d’Espagne défend un principe politique face à Chavez, M. Sarkozy n’a défendu que son ego…

 

La République a, aujourd’hui, les représentants qu’elle mérite et qu’elle suscite, rien de plus. Mais, de Grévy l’avare à Sarkozy le colérique, c’est la France qui subit…

 

10/01/2008

La France et la construction européenne.

J’ai donné cette semaine à mes élèves de Première plusieurs sujets au choix pour le contrôle de Géographie comptant pour le 2nd trimestre : l’un d’entre eux portait sur « la France et la construction européenne, de 1950 à nos jours », thème qui reste d’actualité au moment où l’on commence à évoquer la prochaine ratification du traité « modificatif » constitutionnel de l’Union Européenne. Malheureusement, les copies rendues n’ont pas été à la hauteur de mes espérances, ni de celles des élèves concernés… L’Europe a beau être de plus en plus envahissante dans la vie quotidienne des citoyens français, elle reste encore largement méconnue, y compris des jeunes générations qui, pourtant, sont soumis depuis leur plus tendre enfance à la « pédagogie » (autre nom de la propagande…) européiste qui s’étale à longueur de colonnes dans les manuels d’histoire comme de géographie. Quant au rôle de la France dans la construction et dans l’Union européennes…

 

Pourtant, c’est en France qu’a été « lancée » la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier) par la fameuse déclaration Schuman du 9 mai 1950, déclaration d’ailleurs rédigée par son ami et complice Jean Monnet. Mais c’est aussi la France qui, à plusieurs reprises, a freiné les dérives européistes : en 1954, par le vote parlementaire contre la CED (Communauté Européenne de Défense), vote qui montre l’hétérogénéité des oppositions à cette politique initiée par les démocrates-chrétiens puisque, au-delà des traditionnels contestataires gaullistes et communistes, une (courte) majorité des députés socialistes (53 contre 50) refuse cette ébauche de « défense européenne » ; en 1965, par la politique de « la chaise vide » pratiquée par la France gaullienne (bête noire des européistes) pour refuser l’idée d’une supranationalité qui condamnerait le pays à la soumission à une instance bureaucratique sans légitimité véritable ; en 2003, par la position particulière de la France face aux velléités états-uniennes d’intervention en Irak, intervention soutenue par la plupart des pays de l’UE et des futurs entrants de 2004 ; en 2005, par le référendum négatif sur le traité constitutionnel européen…

 

Cela a-t-il empêché la France de jouer un rôle de premier plan dans ce que l’on nomme la construction européenne ? Pas vraiment, et de Gaulle lui-même a pratiqué un « nationalisme pragmatique » qui ne refusait pas « l’Europe » mais entendait la faire sur les réalités, c’est-à-dire sur les nations historiques, avec les Etats politiques et non avec les seuls experts et banquiers ou autres idéologues qui font de l’Europe une nouvelle Parousie. Son idée d’une confédération européenne (et non d’Etats-Unis d’Europe, idée de Monnet) me semble encore possible et sans doute plus réaliste que les rêves d’un « Empire » commerçant et ludique, réglementaire et obligatoire, cette fameuse « Europe des cabris » qui l’exaspérait au plus haut point.

 

Les successeurs du général n’ont pas vraiment suivi son exemple et sa stratégie, faute de colonne vertébrale et, pour certains, de confiance en notre nation, considérée comme « trop petite » quand ils confondaient ainsi leur propre état d’esprit avec l’ambition nécessaire du pays qui, elle, ne souffre pas cette petitesse : de Gaulle avait bien compris que la France n’est elle-même que lorsqu’elle aspire à la grandeur, d’âme comme de politique, et que peu importe alors les plaintes des financiers et des actionnaires. « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », rappelait-il avec raison.

 

La France a un grand rôle à jouer dans la construction européenne en cours mais elle n’est pas pour autant obligée de renoncer à ce qu’elle est, à ce qui fait sa particularité et sa liberté au regard de l’Histoire et de l’Europe : ce n’est pas en uniformisant que l’on créé l’unité d’un ensemble mais en permettant à chacun de développer ses propres qualités et d’en faire profiter ses partenaires. Il n’est pas certain que l’Union européenne actuelle soit à la hauteur des nécessités du moment comme de l’avenir à souhaiter… Ce n’est pas, en tout cas, en lui abandonnant notre destin de nation que l’on relèvera les défis contemporains.